J’ai de plus en plus l’impression que l’authenticité n’est pas la recette à même d’apporter la réussite dans notre société. A contrario, la conformité que je rejette personnellement, semble être plus judicieuse et plus propice au succès ; faire comme tout le monde serait plus révéré que l’individualité, le changement ou l’originalité.
Nos standards comportementaux et vestimentaires ainsi que le langage que nous devons utiliser en société sont préétablis. Anniversaire, mariage, enterrement ou anniversaire, ce que nous devons dire et faire est déjà prescrit pour nous ; ne pas adhérer au système mènerait alors à devenir un paria dont l’attitude ne sera ni comprise ni appréciée par « les gens ».
Il est important de souligner toutefois, que l’excellence et l’innovation n’ont jamais émané des foules. Les savants, les poètes, les philosophes et autres penseurs qui ont forgé la réalité dans laquelle nous vivons ont tous eu l’audace de rompre avec le passé et avec les rites de leurs cultures respectives. Elon Musk, Einstein ou Louis de Funès, n’ont pas craint d’être différents ou d’être ridiculisés, ils ont simplement osé être eux-mêmes, car personne n’aurait cru en leurs rêves.
Deux voies distinctes :
Il nous faudrait nous poser les questions suivantes aujourd’hui ; est-ce que nous voulons des clones et des exécutants ou préférerions-nous des citoyens innovateurs ? Voulons-nous des leaders ou des suiveurs ? Devrions-nous célébrer la conformité ou l’originalité ?
Plusieurs études ont démontré que la peur d’être critiqué était des plus paralysantes et que les cimentières étaient pleins de corps qui ne s’était jamais affirmés et qui n’avaient donc jamais rien apporté à l’humanité.
Le problème est d’autant plus grave lorsque, toujours vivants, on ne se pose plus de questions. On accepte le statu quo sans résistance, pensant que les autres connaissent peut-être le pourquoi de la chose. En réalité personne ne sait vraiment d’où viennent nos récentes traditions au travail et en société car le commun des mortels fait comme celui qui l’a précédé, qui lui-même a fait comme celui qui l’a précédé et ainsi de suite. En anglais on appelle ça « the blind leading the blind » ou les aveugles qui mènent les aveugles (vers le fossé), chacun espérant que quelqu’un sait où on va.
Nous pouvons l’entendre dans la musique de ces vingt dernières années ; les chansons populaires, Gnaoui ou Raï se ressemblent à s’y méprendre et il en est de même pour tout ce qui est vidéo-clip sur des chaînes comme Rotana (Khaliji, Libanais et Egyptien). Les vidéos présentent de sérieuses similitudes dans leur aspect global et le thème est pratiquement toujours le même ; amour, beauté et voiture de luxe.
Pour en revenir à ma phrase d’ouverture, ces gens sont peut-être les plus malins. Ils ont compris que réinventer la roue était bien trop difficile et que régurgiter des algorithmes qui marchent déjà pour les masses était plus rentable et bien plus rapide. Ils ont aussi compris que se tuer à vouloir créer des œuvres d’art qui n’intéresseraient réellement qu’une infime minorité discriminante était une erreur en fin de compte ; la vie est bien trop dure pour s’atteler à des principes si l’argent ne va pas suivre.
A regarder nos émissions de télé aussi, nous remarquons l’existence de thèmes qui se reproduisent en permanence, avec fidélité. Les publicités utilisent un langage composé d’arabe classique et dialectale que personne n’utilise, les parlementaires se tuent à parler l’arabe classique que les masses ne comprennent même pas et les émissions pour enfants n’ont pas évolué d’un clou, depuis mon adolescence, il y a bien plus de quarante ans de cela.
Dans le monde de l’entreprise, je remarque que pour améliorer les chiffres, on chante toujours les mêmes airs qui se répètent sans cesse comme, objectif, budget, fin du mois, procédure, process prix et tarif. Ce que je n’entends malheureusement pas c’est l’importance de bien servir un humain. Ce n’est que très rarement qu’une société marocaine focalisera ses efforts sur ce que je qualifierais de meilleur marketing au monde, qui est « la création » de clients heureux qui ne cesseront de prêcher nos vertus. Quel que soit le secteur d’activité, nos affiches publicitaires consisteront presque toujours en la photo de l’objet et son prix. Essayer de titiller notre curiosité semblerait ne plus être en vogue, de toute évidence.
Même la religiosité est tendance de nous jours. Jusqu’aux années quatre-vingt où j’avais quitté le Maroc, la prière était une activité assez privée et n’était jamais présente en lieu de travail. Aujourd’hui chaque entreprise a plutôt intérêt à avoir sa petite mosquée. Il en est de même pour les malls, les aéroports, les gares et autres. Chaque musulman aussi, doit désormais montrer qu’il a un tapis sur sa chaise et à l’arrière de sa voiture. Le Hijab pour sa part n’existait quasiment pas à cette période et les barbes religieuses non plus, ou beaucoup moins en tout cas. Aujourd’hui dans certains quartiers, il serait difficile de trouver une dame sans foulard.
Mes questions :
Y-a-t-il plus de musulmans au Maroc aujourd’hui ou sont-ils juste plus ostentatoires (visibles) de nos jours.
Si la religion n’a pas changé, pourquoi avons-nous changé nos habitudes religieuses ?
Finalement concernant notre code vestimentaire, beaucoup ont choisi de s’habiller comme maman et papa. Bien que trop jeunes certaines fois, la peur de sortir du lot et le plaisir de l’appartenance ont fait que nous ressemblons souvent aux masses et passons donc inaperçus.
L’humain a tendance à se rapprocher de celui qui lui ressemble et qui partage ses valeurs. A cet effet, faire comme les foules est possiblement plus avantageux pour ceux qui souhaitent gravir les échelons de la société. Être différent, unique ou original peut être avantageux mais nécessitera beaucoup plus d’efforts, de persévérance et de force de caractère.
Fort heureusement, certains ont eu le courage de se battre pour que nous autres puissions avoir une vie un peu moins désagréable, ornée de technologie, de médecine et d’art. Sans cet esprit rebel qui les a animés et poussés à nager à contre-courant, nous serions probablement, toujours à l’âge de pierre.
Votre feedback est toujours le bienvenu.
Karim Kadiri 23/05/22